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laquais. Monsieur Armand est sorti, il y a un quart d’heure.

Profondément découragée, Mme Bernard se laisse tomber alors sur sa chaise longue et s’abandonne au fil de sa tristesse. Il lui semble— et c’est une sensation presque physiquement douloureuse— que quelque chose s’est écroulé et brisé dans son cœur. Sur le panneau, devant elle, elle regarde machinalement son propre portrait en grande toilette de bal, que, pendant sa courte lune de miel, son mari a fait peindre autrefois par Dubufe. Et, dans le tableau baigné d’ombre, elle voit se dresser le spectre de sa jeunesse et de sa beauté. Pourquoi donc lui passe-t-il par la tête, le prélude de cette valse de Strauss, qu’on jouait le jour où son père l’a présentée au bal des Tuileries ?...

Allons ! du courage ! Il faut secouer cet accablement, penser à autre chose. Elle fait sauter la bande d’un journal, le déplie, mais, sur la première page, un nom lui saute aux yeux, un nom qui la fait tressaillir.

Le colonel de Voris, qui est actuellement au Tonkin, où il commande une des colonnes du corps expéditionnaire, vient d’être nommé général, à