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serait terrible, qu’il allait souffrir et faire souffrir.

En effet, la lutte s’engagea tout de suite.

Un peu avant l’heure du dîner, Armand, selon son habitude, alla rejoindre sa mère dans son boudoir. Il y entra, pour la première fois, ce jour-là, les yeux baissés, le front lourd, le cœur plein d’angoisse et de confusion. Mais, lorsqu’il vit Mme Bernard assise à sa place ordinaire, devant son canevas de tapisserie, il revécut, dans un éclair d’imagination et de mémoire, toute son heureuse enfance ; et, ne pouvant supporter l’idée qu’il y avait un obstacle, un rempart entre sa mère et lui, et qu’il n’était plus le fils unique et bien aimé d’autrefois, il s’élança vers elle, les bras tendus, les mains tremblantes, avec un regard qui demandait pardon.

Mais elle l’arrêta d’un geste bref, d’un geste de refus, et lui jeta un « non, je t’en prie », qui rappela le jeune homme à la douloureuse réalité et lui glaça le sang dans les veines.

Le domestique ayant annoncé que le dîner était servi, ils passèrent dans la salle à manger et se mirent silencieusement à table.

Ce repas du soir avait toujours été pour eux un bon moment. Ils y parlaient des menus faits du