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et mal embouché, qui faisait le lundi et, quelquefois, les battait.

Mais pourquoi se forger du chagrin d’avance ? Sa destinée n’était-elle pas, après tout, celle de presque toutes les pauvres filles ? La jeunesse passait comme une fleur, et puis, toute la vie à trimer ! Heureuses celles qui avaient eu un peu d’amour pas trop brutal, quelques brèves joies dans leur avril, un gentil roman ! Henriette devait même s’estimer une des plus favorisées ; car, au moins, elle était jolie, assez jolie pour plaire à ce beau jeune homme qui lui serrait les mains si fort et lui soufflait si doucement dans le cou des paroles brûlantes. Comme tout la séduisait, comme tout flattait ses délicatesses de femme, dans ce fils de famille, dans cet enfant de riche, au teint mat et pur, à la voix caressante, aux élégantes attitudes !

Il ne se doutait pas qu’il fût à ce point désiré, le maladroit débutant, l’écolier d’amour, trop content déjà de toucher cette chair, de sentir cette odeur de femme. La vierge sans ignorance vers qui montait son désir était encore plus enivrée que lui. Elle aurait voulu l’embrasser,