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Hélas ! elle ne se faisait pas d’illusions, la fille du peuple. Ce jeune homme, qu’elle jugeait à présent bien plus innocent qu’elle n’avait cru naguère, était épris d’elle, sans doute. Mais combien de temps l’aimerait-il ? Elle n’avait à lui donner que sa jeunesse et son pauvre cœur. Certainement, il aurait bientôt honte d’une amie si simple, si « ordinaire ». C’est seulement dans les contes de grand’mères que les princes Charmants épousent les Peau-d’Âne et les Cendrillons. Dût-elle même lui inspirer plus et mieux qu’un caprice, l’attacher à elle par un sentiment durable, malgré tout, il faudrait, tôt ou tard, se séparer.

C’était l’histoire de beaucoup de ses petites amies. Une, deux, trois belles années de folie avec un amant aux mains blanches, et puis, adieu pour toujours ! Non ! ce n’était pas sage, ce qu’elle faisait là. Un jour, elle serait quittée comme les autres, ses camarades d’atelier. La plupart d’entre elles, les paresseuses, les gourmandes, les coquettes, étaient devenues de « vilaines femmes ». Quelques-unes, plus raisonnables, avaient fini par se marier avec un homme de leur condition, un ouvrier vulgaire