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Armand se rapprocha de son amie et lui prit la main. Comme elle la retirait, il craignit d’abord une résistance. Mais Henriette se déganta, lui abandonna doucement ses deux mains nues, et, à ce premier contact, ils eurent un frisson de volupté. L’air fraîchissait, un souffle forestier qui sentait la verdure leur caressait le visage. Le roulement de toutes les voitures en marche, où le trot rythmique des chevaux mettait une cadence confuse, les berçait mollement, et ils se sentaient emportés comme par un flot. Alors le jeune homme se pencha vers l’oreille d’Henriette et murmura avec ardeur : « Je vous aime ! » Puis il chercha dans l’ombre le regard de son amie, qui se fixa sur le sien, tendre et pensif.

Henriette songeait. Cette heure était la plus exquise, mais aussi la plus grave de sa vie. Tout à l’heure, Armand la reconduirait jusqu’à sa maison, dans Vaugirard, au bout de la rue Lecourbe. La vieille tante n’était pas là ; et, s’il lui demandait de l’accompagner jusque dans son logis, elle ne dirait pas non, elle n’aurait pas la force de lui rien refuser. D’ailleurs, ce soir même, ou demain, ou plus tard,— qu’importe !— elle allait être à lui.