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là, un acacia fleuri du voisinage répandait son parfum printanier. Armand envoya d’abord, par un commissionnaire, un billet d’excuse dans la maison où il était invité, puis il commanda, ou, pour mieux dire, accepta le menu qui lui fut imposé par un maître d’hôtel plein d’autorité. Qu’importait aux deux jeunes gens la sole Joinville ou le filet Rossini ? Ils étaient assis l’un en face de l’autre, se dévorant des yeux, bavardant comme les oiseaux chantent, et, dans les phrases les plus banales qu’ils échangeaient : « De l’eau, tout plein, je vous prie », ou « Encore un peu de poisson », il y avait du désir et de la tendresse.

Armand fit causer sa nouvelle amie. Elle lui conta son humble histoire. Non, bien sûr, elle n’avait pas été élevée dans du coton. Pourtant, quand elle était toute petite, la vie n’avait pas été trop dure. Son père,— un veuf,— bon ouvrier mécanicien, gagnait un assez gros salaire et pouvait subvenir aux besoins de sa petite fille et d’une vieille sœur à lui, qui prenait soin de l’enfant. Mais, un jour, le pauvre homme était pris, déchiré dans un engrenage, mourait misérablement. Et la voilà toute seule avec sa tante, une femme de la campagne, qui n’avait pas d’état. L’ancien