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Ce qui lui manquait le plus, depuis trois jours qu’il était si misérable, c’était son tabac.

Il s’éveilla dans l’herbe humide, le corps tout engourdi, se leva avec peine, frissonna sous ses haillons et murmura sourdement : « Nom de Dieu ! »

Puis il se remit en marche sur la grand’route, — l’ancien « pavé du Roi », — qui traversait une forêt.

La matinée était délicieuse. Une fraîcheur embaumée sortait des profondeurs vertes. Sur les bords de la route, l’herbe des vaines pâtures, tellement pénétrée de rosée qu’elle semblait pâle, était criblée de petites fleurs des bois, blanc de lait, rose gris, lilas clair, toutes si pures ! Là-haut, à la cime des grands arbres, le soleil levant lançait dans les feuilles ses premières fusées d’étincelles. A vingt pas, devant le voyageur, deux joyeux lapins, la queue en trompette, montrant leur blanc derrière, traversèrent la route en quelques bonds et disparurent dans le fourré. Les oiseaux chantaient éperdument.

Le vagabond, lui, songeait à son horrible passé.

Enfant de l’hospice, élevé chez une nourrice