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ami ? ». Et si Armand, avec le facile enthousiasme de son âge, parlait chaleureusement de son jeune condisciple, vantait son esprit ou sa bonté, Mme Bernard éprouvait une sensation pénible, se méfiait déjà de ce nouveau venu qui lui prenait un peu de son enfant. C’était injuste, elle le savait, elle s’en accusait. N’aurait-elle pas dû se réjouir, au contraire, qu’Armand fût affectueux et cordial ?

— Invite ce jeune homme à venir à la maison, disait-elle en faisant un effort. Je serai charmée de le recevoir.

Et, quand elle revoyait le camarade, elle tâchait d’être très gracieuse, comme pour se punir de son mauvais sentiment. Mais elle y réussissait mal ; c’était plus fort qu’elle ; et elle ne retrouvait la possession d’elle-même que lorsque l’autre était parti et qu’elle avait de nouveau son fils tout entier, à elle toute seule.

Armand se rendait parfaitement compte de ce que la tendresse de sa mère avait d’exclusif et d’ombrageux. Car tout en lui, intelligence et sensibilité, s’était prématurément développé, et cela même à cause de l’éducation spéciale de son enfance, très solitaire, très caressée, dans la tiédeur des jupes maternelles. Il ne restait déjà