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printemps, d’un bleu si tendre, ni le fleuve en marche sillonné par les joyeux bateaux et miroitant au soleil, ni la noble façade du Louvre, ni le svelte bouquet d’arbres, au coin du Pont-Royal, où déjà courait, dans les branches noires, comme une fumée de verdure. S’abandonnant dans son fauteuil, accoudée, deux doigts sur la tempe, la belle veuve, son buste de déesse étreint par la robe noire bien ajustée, évoquait en une longue rêverie toute sa vie passée.

Elle se revoyait aux Tuileries, traversant pour la première fois, au bras de son père, les salons magnifiques. Elle entendait derrière elle, dans le sillage de sa robe de bal, un murmure d’admiration. Elle voyait sur le visage de tous ceux qui la regardaient passer un demi-sourire, une expression subitement heureuse, qui la remerciaient d’être si belle. Elle le retrouvait, cet éclair des regards charmés, dans les yeux mêmes de l’Empereur et de l’Impératrice, au moment de la présentation ; et comme, tout à coup, l’orchestre attaquait le brillant prélude d’une valse, il lui semblait que cet air triomphal éclatait en son honneur.

Puis c’étaient plusieurs mois de fête, d’éblouissement.