puits empoisonnés. D’appétissantes boulettes furent semées par lui dans les allées, et le lendemain, le jardin était jonché de cadavres de merles, tout raidis, les pattes en l’air. Cette fois, les pauvres siffleurs se découragèrent. Ils se dirent sans doute entre eux, à leur manière, que la place n’était pas tenable, ils émigrèrent, et le verger fut sans chansons.
Mais l’homme impitoyable qui défendait avec tant de barbarie l’espoir de ses pommes sentant la paille et de ses poires cotonneuses, ne devait pas jouir longtemps de son triomphe. Un voisin, un ami de la nature, dont le logement avait vue sur le jardin et qui n’admettait pas le printemps sans frissons d’ailes et sans chants d’oiseaux, se transporta sur le quai de la Ferraille, acheta une cage pleine de merles, et les lâcha par sa fenêtre. Fureur de l’arboriculteur devant cette invasion. Nouveaux coups de fusil, nouvelles boulettes. Mais le voisin était un homme entêté. Il retourna chez le marchand d’oiseaux, repeupla le jardin, et, à chaque nouveau massacre, il recommença, imperturbablement. Si bien qu’à la longue, l’amateur de fruits, n’y comprenant rien,