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annonce élevé à la mémoire d’un fameux marchand de nouveautés, il s’enfuit dans uno allée déserte du cimetière.
Il ne pleut plus ; mais ce ciel couleur de suie, ces feuilles mortes dans la boue, ces arbres noirs dégouttant sur les tombes et ce vent malsain, ce vent d’épidémie, qui passe en gémissant, c’est sinistre.
Le rêveur solitaire éprouve tout à coup une inexprimable détresse. Il songe qu’il n’est plus jeune, qu’il se porte mal, que sa vie est contentieuse et précaire, et que ce n’est rien, mais rien, que sa réputation si enviée par ses « confrères » , que sa gloire de papier. Il se dit que lorsqu’on le mettra en terre, bientôt, les choses se passeront comme pour cet homme taré : mêmes crosses de fusil sonnant sur les dalles de l’église, mêmes indifférents dans des fiacres causant de leurs petites affaires, même grotesque en cravate blanche débitant des sottises avec une émotion de cabotin, tandis qu’un ami complaisant l’abrite sous un parapluie.
Et il est tellement saturé de tristesse et de dégoût qu’il voudrait être mort déjà, et que ce fût fini, fini tout à fait. Oh ! comme on doit bien se reposer ici.