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et voilà qu’il reconnaissait ses anciens croquis d’après la petite Fernande... Il y en avait d’informes, presque des caricatures, où elle ressemblait déjà — chose cruelle ! — à une femme, à la femme qu’il avait retrouvée. Mais, dans la plupart de ces rapides dessins, comme elle était gentille, cette enfant du peuple, avec ses gros souliers, sa jupe trop courte et ses cheveux crépus débordant de son petit béguin ! Un croquis surtout, le plus poussé, le meilleur à coup sûr, arrêta longtemps les regards de l’artiste. Il représentait Mme Guérard assise dans un fauteuil, et en train de dévider un écheveau de laine tendu sur les mains de la petite Fernande, debout auprès d’elle. C’était charmant. La vieille maman attentive à sa besogne, l’enfant toute droite, très sage, levant ses poignets et ayant soin de bien tenir ses deux mains en face l’une de l’autre. Une scène simple et intime, d’une grâce naïve à la Chardin.

Devant cette page d’album, Michel s’abandonna à la rêverie. Dire qu’il s’en était fallu de si peu que sa mère adoptât tout à fait la pauvre petite ! Quelques mois de plus, et maman Guérard n’aurait pas pu s’en séparer. « C’te pauv’ Sidonie » aurait volontiers cédé sa fille à la vieille