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les femmes, — gagna vivement l’escalier, puis la porte de la rue, et respira avec un grand soupir l’air froid et pur de la nuit.

Mais cette rencontre lui laissa, pendant les jours qui suivirent, un souvenir continuel, importun. Il ne pouvait chasser de son esprit la lamentable apparition de Fernande.

Elle se dressa devant lui, plus obsédante encore, quand il alla visiter la tombe de sa mère ; car il trouva, posée sur la pierre funéraire, une couronne d’immortelles toute fraîche, sans inscription. La misérable Fernande avait tenu parole et avait apporté cet hommage à la seule femme qui eût été douce pour son enfance abandonnée, à celle qui l’eût sauvée peut-être, sans les circonstances, et eût fait d’elle une honnête fille tout comme une autre.

— « Qu’est-ce que ferait ma vieille bonne femme de mère, si elle vivait encore ? — se disait Michel, en sortant du cimetière. — Cette malheureuse a beau dire, sa vie est un enfer et lui fait horreur. Voyons ! pour payer sa dette, pour lui mettre dans la main de quoi louer et meubler une chambre, chercher du travail, se retourner enfin, un billet de mille francs suffirait. Justement, Goldsmith, l’américain,