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les seuls bons moments de ma vie, — vous entendez bien, monsieur Michel ! — de toute ma vie, sont ceux que j’ai passés dans votre atelier, quand vous me promettiez deux sous pour me faire bien tenir la pose, ou quand votre mère... »

Mais elle s’interrompit brusquement et cacha son visage entre ses mains.

— « Oh ! j’ai honte... Je n’ose pas parler d’elle ici ! »

Michel eut le cœur remué de pitié. Il prit Fernande par ses deux poignets chargés de grossiers porte-bonheur en plaqué, lui écarta les mains de la figure et la regarda tristement.

— « Tant pis, — reprit-elle avec hésitation... — tant pis ! Faut que vous me donniez de ses nouvelles.

— Elle est morte, — dit le peintre. — Je l’ai conduite au cimetière Montmartre, il y a deux ans.

— Morte !... C’est vrai, pourtant, voilà dix ans de passés depuis ce temps-là, et elle était déjà bien malade, bien affaiblie... Quel chagrin vous avez dû avoir !... Morte !... Je sais bien que je n’aurais jamais pu la revoir... Une femme comme moi !... Mais, à mon premier jour de sortie, j’irai