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crayon noir, et sa bouche, sa navrante bouche tordue comme par une nausée, essayait piteusement de sourire.

— « Vous !... vous ici !... — balbutia l’artiste, suffoqué par l’épouvantable surprise.

— Depuis deux mois, — répondit la fille publique, que le cri de douleur de Michel avait fait rougir sous son fard. — Mais je ne dois rien vous cacher, à vous, monsieur Michel... Je fais la vie depuis cinq ans déjà... C’est bien vilain, n’est-ce pas ? Pourtant, si vous saviez, vous m’excuseriez peut-être un peu. Là-bas, aux Amandiers, où nous sommes allées loger, ma mère et moi, en quittant Montmartre, personne ne s’est plus occupé de moi. Maman était toujours dehors pour ses journées ; moi, je faisais comme avant, je courais dans la rue avec les gamins, à la sortie de la classe, et voilà, je suis devenue une « voyoute. » A quinze ans, — maman venait de mourir à Lariboisière et j’étais apprentie brunisseuse, — un mauvais garnement m’a débauchée tout à fait... Mais c’est toujours la même chose. A quoi bon vous raconter mon histoire ? J’en suis arrivée où vous voyez. C’est fini, n’en parlons plus... Mais je tiens à vous dire une chose, puisque je vous retrouve, c’est que