Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

de s’asseoir, à côté de lui, sur le canapé. Elle devait avoir vingt ans tout au plus. Très brune, son souple corps serré dans un étroit peignoir de satin jaune, quatre grosses épingles de cuivre piquées dans sa chevelure terne et presque laineuse comme celle d’une femme de couleur, cette fille avait de grands yeux charbonnés, et n’aurait pas manqué de beauté, sans son ignoble maquillage et l’expression de dégoût et de fatigue qui fixait sur sa bouche la grimace de quelqu’un qui va vomir.

— « J’ai vu cette figure-là quelque part, » fut la première sensation de Michel en considérant cette malheureuse. Mais où ?... quand l’avait-il vue ?

— « Comment, — reprit-elle de sa voix cassée, — vous ne vous rappelez pas ?... Il y a dix ans... là-haut... à Montmartre... la petite Fernande ?... »

Michel faillit jeter un cri.

Il la reconnaissait maintenant. Oui ! la jolie petite fille que sa pauvre sainte femme de vieille maman avait fait sauter sur ses genoux et cette créature perdue, qui sentait le vice et la pommade, c’était bien la même personne. Elle le regardait d’un air ému et craintif ; l’eau d’une larme retenue faisait briller ses yeux cernés au