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des prodiges d’économie pour que son fils eût de quoi payer les modèles et peindre d’après nature, toute l’après-midi.

Il y eut de mauvais jours, de très mauvais jours. Depuis longtemps, les six couverts, la pince à sucre et la boîte à couteaux à manches d’argent avaient été vendus afin d’acquitter une note du marchand de couleurs. Quelquefois, pour acheter le dîner, — c’est étonnant, ce qu’un morceau de veau rôti représente de déjeuners froids, et l’on ne s’imagine pas tout l’avenir qu’à le reste d’un pot-au-feu transformé en rata et en vinaigrette ! — quelquefois, il fallait engager les autres débris du luxe bourgeois de jadis, tels que la montre d’or en forme de bassinoire, qui avait dû être à la mode sous le Consulat, ou même la broche encadrée de petits grenats dans laquelle miroitait, au cou de la veuve, le daguerréotype de feu M. Guérard. La brave maman connaissait, hélas ! le chemin du Mont-de-Piété, et il y avait souvent une ou deux reconnaissances sous le « sujet » en bronze de la pendule, qui représentait une jeune personne embrassant avec désespoir le mât d’une barque en détresse.

Les Guérard étaient donc très pauvres ; mais,