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bêtise charitable, comme elle serait allée porter des oranges à sa portière malade à l’hôpital.

Quelle honte ! Elle avait pitié de moi !

Je passai huit jours horribles, en roulant sans cesse toutes ces pensées dans mon esprit. Puis une terreur me saisit : « Si elle ne revenait pas, au prochain jour de visite ? » Et seulement alors, par la détresse où cette crainte me jeta, je compris combien, malgré tout, Marguerite m’était encore chère. Je me fis donc le serment, que j’ai tenu, de lui dissimuler ma jalousie, de ne rien faire ni dire qui pût trahir mes souffrances et mes soupçons.

Elle revint, — oh ! je l’avais parié ! — elle revint avec un joli chapeau de printemps. Elle avait complété sa toilette ; son visage était reposé, son teint plus frais. Certes ! non, cette femme-là n’était plus dans la misère et ne gagnait plus son pain à coudre des « confections » jour et nuit.

Elle eut cependant l’audace... ou la bonté — qui sait ? elle croyait peut-être bien faire — de me dire qu’elle était très contente, qu’elle employait deux ouvrières ; cent nouveaux mensonges. Je feignis de m’en réjouir avec elle, et, donnant à ma voix l’accent le plus caressant, je la priai d’ôter son gant et d’appuyer sa main sur le