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semaine, et, à chacune de ses visites, je regardais, avec une enivrante pitié, ses yeux cernés par les veilles, ses joues que la misère amaigrissait, ses pauvres doigts meurtris et sa robe qui se fanait de plus en plus.

Un jour, — c’est alors que mon supplice a commencé, — elle vint avec une robe neuve.

Tout de suite, j’eus le cœur mordu par un soupçon. Mais elle me regarda en face et me dit en souriant :

« Ah ! oui, tu regardes ma robe !... C’est Clotilde qui me l’a donnée... Tu sais, Clotilde, l’amie avec qui j’étais la première fois que nous nous sommes rencontrés... Elle a maintenant un amant qui fait des folies pour elle. En me voyant si pauvrement vêtue, elle m’a fait cadeau de cette robe qu’elle n’avait mise que cinq ou six fois. Je n’ai eu qu’à l’arranger un peu... Elle est comme neuve, n’est-ce pas ? »

Ce n’était pas vrai ! Jamais, depuis que nous vivions ensemble, Marguerite ne m’avait parlé de cette Clotilde comme d’une amie. Naguère, les deux femmes demeuraient dans le même hôtel meublé, voisinaient, allaient de compagnie dans les bals publics, voilà tout. Je me rappelais Clotilde