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soupe mangée à la même gamelle que les scélérats, les éternelles nuits d’insomnie sans lumière ! Marguerite m’aimait ; elle gagnait son pain pour rester sage et pour m’attendre. Était-ce donc possible ? Misérable homme ! j’avais commis un vol pour une femme, et j’allais avoir la consolation, une fois ma faute expiée, de me réfugier dans les bras de cette même femme, mais devenue tout autre, régénérée par l’amour et par le travail, et qui serait maintenant la première à m’empêcher de faillir, si j’en étais tenté. Ah ! j’étais plein de courage, prêt à subir sans une plainte la peine que j’avais méritée. Aux plus durs moments de ma vie de prisonnier, je pensais à Marguerite, et l’espérance m’inondait en me réchauffant, comme un puissant cordial, et mes affreux compagnons me demandaient pourquoi j’avais l’air si heureux et ce qui me faisait sourire.

Cet état d’âme délicieux, — oui ! moi, le condamné vêtu d’une souquenille de forçat, moi à qui les gardiens disaient : « Ici ! » comme à un chien, j’ai vécu alors des heures délicieuses, — cet état d’âme, cette période d’espoir et de résignation, dura environ deux mois. Pendant ce temps, Marguerite vint me voir exactement une heure par