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cœur gonflé et battant à coups profonds. Puis, soudain, j’eus la sensation que je venais d’être frappé douloureusement dans l’intérieur de mon cerveau et je me dis :

« Si je ne gagnais pas ?... »

Je lançai un regard oblique à celle qui m’accompagnait. Heureusement, elle avait la tête tournée de l’autre côté, du côté des boutiques, et elle ne vit pas mes yeux. Dans la glace d’un magasin, j’aperçus avec terreur un visage de fou qui me ressemblait.

Mais, d’un effort de volonté, je redevins maître de moi.

Eh bien, quoi ? Si je ne gagnais pas ?... J’irais m’asseoir, le dos rond et la tête basse, sur le banc des accusés ; je tâterais de la prison, du bagne peut-être... On n’a rien sans risque ; et, en cas de malheur, j’aurais donné du moins à cette femme qui m’avait fait son esclave par les sens, mais dont je n’avais jamais échauffé le cœur glacé, j’aurais donné à Marguerite une effrayante preuve d’amour, et elle m’aimerait peut-être enfin, elle souffrirait peut-être à son tour, la fille qu’elle était, quand elle saurait que j’avais volé pour elle !...