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de ma maîtresse, faisant avec elle une partie de plaisir dès que j’avais quelque argent ; mais, au fond du cœur, j’étais épouvanté de l’avenir.

Tous les hommes dans une position désespérée sont tentés de demander des ressources au jeu. Je le fus d’autant plus facilement que les commis du « Petit-Saint-Germain » parlaient constamment devant moi de leurs gains et de leurs pertes aux courses de chevaux qu’ils suivaient avec passion. Un jour, le chef du rayon des soieries, dont jusque-là les paris avaient été très heureux, affirma qu’il avait sur le résultat des prochaines courses d’Auteuil un renseignement excellent, donné par un jockey, un « bon tuyau », comme on dit dans l’argot spécial des bookmakers. D’après ce « tuyau », Grain-de-Sel, un cheval inconnu, remporterait le prix principal, et ceux qui parieraient pour lui gagneraient dix fois leur mise. Vainement le second vendeur des lainages vantait-il les performances du cheval favori, Sept-de-Pique, l’autre n’en voulait pas démordre et racontait, avec des airs mystérieux, une assez sale intrigue d’écurie où des sportsmen fameux étaient mêlés et qui devait donner la victoire à Grain-de-Sel.

Tant d’assurance me troubla.