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de cette femme avait pris l’ardeur d’une passion et la force d’une habitude.

Je l’aimais ! je l’aimais !... Elle me possédait, quoi !

Quand j’avais fait connaissance avec Marguerite, elle habitait une sordide chambre d’hôtel garni et ne possédait qu’un peu de linge, la pauvre robe qu’elle avait sur le corps, et cet horrible chapeau à plume rose qui l’affichait dans les bals publics. Pour l’habiller plus décemment, pour lui faire un petit trousseau, j’avais sacrifié toutes mes économies et je m’étais même endetté. Son désordre, son manque de soins, les nouvelles dépenses que je fis pour la distraire, pour la mener au spectacle, au café-concert, — j’avais peur qu’elle ne me quittât par ennui, — achevèrent rapidement ma ruine. J’étais en retard avec tous les fournisseurs ; je devais des sommes assez rondes à plusieurs de mes camarades. Mais je ne confiais pas mes soucis à Marguerite.

A quoi cela m’eût-il avancé ? Elle m’aurait dit encore, je le prévoyais, de sa voix douce et résignée : « Que veux-tu que j’y fasse ?... Séparons-nous. » Je m’efforçais donc de ne pas penser à la catastrophe certaine, feignant l’insouciance auprès