Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

magasin, je trouvais Marguerite encore en peignoir du matin, en train de faire des « réussites » ; elle n’avait même pas songé au souper, et il fallait envoyer la concierge acheter des charcuteries.

Quand j’essayais de faire quelques remontrances à ma maîtresse, elle me disait simplement, sans se fâcher : « Je sais bien que je ne suis pas la femme qu’il te faut... Qu’est-ce que tu veux y faire ?... Quitte-moi. Je n’aurai pas le droit de me plaindre. »

Et je ne savais que répondre, furieux de penser qu’elle ne tenait guère à moi et que je ne pouvais plus me passer d’elle.

La quitter ? J’y avais bien songé quelquefois, dans les premiers temps. Mais l’idée qu’elle me dirait assez froidement adieu, qu’elle retournerait le soir même dans l’horrible bal où je l’avais ramassée et qu’un passant l’emmènerait chez lui pour une ou deux pièces de vingt francs... oh ! cette idée-là m’était insupportable. La quitter ! Mais, rien qu’en me disant que je me réveillerais le lendemain sans sentir la chaleur de son corps auprès de moi, j’éprouvais comme une défaillance. En quelques semaines, le besoin que j’avais