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montés tous deux en voiture, à la sortie du bal, il y avait déjà de la tendresse.

La nuit que nous passâmes ensemble, — oh ! je crois encore sentir la chaleur de ses larmes, quand elle pleurait sur mon épaule en me racontant son enfance vagabonde sur les trottoirs de Paris, sa jeunesse de misère, sa chute piteuse et inévitable, — cette nuit-là fut telle que, peu de jours après, j’arrachais Marguerite à sa honteuse misère et qu’elle venait vivre avec moi.

C’était une folie. Je n’avais pour toutes ressources que mes appointements de caissier au « Petit-Saint-Germain ». Pourtant, si Marguerite avait eu un peu d’économie, quelques instincts de femme de ménage, on aurait pu s’en tirer tout de même. Mais il n’en était rien. Naturellement douce, le cœur froid et la chair ardente, tombée dans la débauche plutôt par faiblesse que par goût, Marguerite était la vraie gamine de Paris, paresseuse et ivre de chiffons, qui s’attarde au lit jusqu’à midi, le nez dans un roman, et qui se nourrit de salade pendant huit jours pour s’acheter une paire de bas de soie.

Bientôt mon petit ménage fut dans un complet désordre. Le soir, quand je revenais du