Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée

moi, qui rétribuait honorablement mon travail, se souciait de mon avenir, m’estimait assez pour vouloir m’associer à ses affaires. Mais, il n’y a pas à me le dissimuler, je n’éprouve point de repentir. Ce serait à refaire ?... Oui ! si je sentais encore le bras de Marguerite frémir sur le mien, devant la vitrine de ce joaillier, si je voyais encore ses yeux avides de désir en regardant ce petit bracelet orné de brillants, eh bien, je volerais encore les cent louis dans ma caisse et je lui donnerais le bijou. Suis-je un scélérat, ou un aliéné ? Je n’en sais rien, mais je recommencerais.

Oh ! cette femme ! Comme je l’ai aimée, tout de suite, au premier choc de nos regards !

Je me rappelle. Deux camarades m’avaient offert de les accompagner dans ce bal public, du côté de Montmartre. J’avais refusé d’abord, j’étais un peu las. Je voulais me coucher de bonne heure. Ils insistèrent, et je les suivis.

L’orchestre jouait une polka dont le motif vulgaire était durement dessiné par le cornet à piston, et autour de l’espace bitumé où sautaient quelques couples, la foule tournait sans cesse, stupidement, sous les maigres arbustes dont le feuillage, éclairé en dessous par le gaz, avait des