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en m’inclinant ; elle m’accueillit avec quelques mots de bienvenue, et je reconnus sa chère voix. Oui ! pendant un instant, mon illusion fut complète. Je crus retrouver la jeune fille que j’avais si purement, si idéalement aimée !

« Mais, dès le premier mot que je prononçai, le charme fut rompu. Je me rappelai qu’il fallait lui dire et je lui dis en effet « Madame », et ce titre me rappela la réalité, dissipa ma chimère. Je regardai sa main que je retenais encore dans la mienne, et j’y vis un anneau nuptial.

« Ah ! mon cher ami, cette entrevue a été l’heure la plus amère de ma vie. Je m’étais assis près d’Elsa, j’essayais de lui adresser quelques mots de condoléance sur la mort de sa mère, et elle me répondait avec embarras, se souvenant sans doute combien la comtesse avait été dure pour moi. Ni l’un ni l’autre nous ne prenions souci de nos paroles machinales, et tous les deux ensemble, j’en suis certain, nous nous abîmions dans des pensées qui nous rongeaient le cœur. Elsa avait surpris mon regard sur son anneau, et, quand j’avais reporté mes yeux sur les siens, j’y avais retrouvé une affreuse expression de détresse. Puis cette phrase lui échappa : « Depuis la mort du prince... »,