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un trône, et sans cesser de tourner un grand rouet d’ivoire, ainsi qu’une châtelaine du temps des croisades. Cette mise en scène prétentieuse, tranchons le mot, ce cabotinage, me déplut souverainement, et les lugubres groupes de vieillards à cravates gourmées assis aux tables de jeu allaient me faire prendre décidément la maison en grippe, quand la fille de la comtesse, Mlle Elsa, entra dans le salon.

« J’évoquerai d’un seul trait cette suave apparition. Figure-toi Ophélie en robe de deuil.

« Depuis deux mois que j’étais à Copenhague, j’avais eu le temps de me blaser un peu sur la beauté blonde. Là-bas, les trois quarts des femmes ont des yeux pâles et des cheveux couleur de blé, et la fille de chambre qui vous apporte l’eau chaude pour votre barbe ressemble plus ou moins à la Nilson de notre jeune temps.

« Sans doute, la grande et svelte enfant qui venait d’entrer, et qui inclinait respectueusement son front sous le baiser de sa mère, avait le type scandinave, elle aussi ; mais elle en réalisait la perfection même, l’idéal absolu. Rappelle-toi les madones des vitraux, les saintes des livres d’heures enluminés. Elsa avait leur grâce un peu raide et