Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/159

Cette page n’a pas encore été corrigée

douloureuse avec un homme trop vieux et vulgaire, ses souffrances de fleur écrasée entre les pages d’un grand-livre, je comprenais, j’approuvais son coup de folie pour un artiste, sa fuite à Florence avec ce musicien qui était mort là-bas en l’aimant, qui était mort — j’en étais sûr — pour l’avoir trop aimée. Que dis-je ? J’enviais le sort de cet inconnu ! Que n’avais-je eu ses ivresses et sa mort délicieuse ? Et j’évoquais la ville d’art, l’harmonieuse cité toscane ; je m’y rêvais, cachant mon bonheur avec cette maîtresse adorable dans un des mélancoliques logis du Lung-Arno, ne sortant que le soir, son bras pressé contre mon cœur, par les ruelles tournantes, dans l’ombre des vieux palais, et revenant très tard au nid d’amour, à travers la solitude nocturne de la place de la Seigneurie, au murmure des fontaines et sous la bénédiction des étoiles !

« Mme Daveluy, étonnée de mon silence, leva enfin les yeux sur moi et me regarda avec surprise. Elle remarqua certainement mon trouble extrême, et sans doute son instinct féminin lui en révéla le motif, car sa rougeur augmenta et elle me dit, en faisant un visible effort pour me regarder en face :

« — Je vous le répète, monsieur, mes torts envers M. Daveluy et la générosité de sa conduite