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vêtue d’une robe sombre, entra dans le salon et vint à moi...

« Ah ! mon ami, traite-moi d’insensé, si tu veux, mais l’amour foudroyant existe. La femme que, toute ma vie, j’avais rêvée, cherchée, attendue, c’était elle ! Je ne te la décrirai pas ; on ne décrit pas un enchantement, un charme. Je ne te décrirai pas ce corps de Diane qui se trahissait sous l’étoffe noire, et cette tête pâle, d’un modelé exquis, éclairée par des yeux magiques. Imagine le type de femme cher à Léonard de Vinci, mais plus tendre, laissant deviner de la bonté au fond de son mystère ; imagine la Joconde qui aurait pleuré ! Son âge ? Nul n’aurait pu lui donner un âge. Elle avait l’âge de la beauté victorieuse, que les larmes n’ont pu altérer et que la douleur a rendue plus touchante. C’est à peine croyable, mais au premier regard dont elle m’enveloppa, j’oubliai tout : qui elle était, où nous étions, et sa fille dont j’avais demandé la main, et le but de ma visite ; et, après l’avoir saluée machinalement, je restai silencieux devant elle, envahi par une émotion profonde, tout à la sensation présente, comme on est en rêve.

« Elle s’assit avec une grâce royale, et, m’invitant à en faire autant, elle prononça quelques mots