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nous étions ensemble en sixième, lui « potache », moi externe libre, je lui achetais chez l’herboriste des feuilles de mûrier pour les vers à soie qu’il élevait dans son pupitre. Du temps qu’il était lieutenant d’artillerie, je lui ai évité le désagrément de se brûler la cervelle, en lui prêtant quelques billets de mille francs pour payer une dette de jeu dans les délais.

A l’époque où je dévorais l’héritage de mon oncle avec Blanche Cluny, l’ingénue du Vaudeville, Dulac, le brave garçon, dont Blanche était devenue amoureuse folle et qu’elle poursuivait de ses obsessions, a poussé le scrupule jusqu’à permuter avec un de ses camarades de la division d’Oran, pour résister à la tentation de tromper un ami. Ces choses-là ne s’oublient pas. Aussi nous aimons-nous beaucoup, bien que, depuis l’âge de vingt-cinq ans, nous ayons été presque toujours séparés, lui vivant dans de lointaines garnisons ou faisant campagne, moi étudiant dans diverses capitales, en qualité d’attaché, puis de secrétaire d’ambassade, le néant diplomatique.

Quand j’ai pu enfin revenir définitivement à Paris et m’enterrer dans les bureaux des Affaires étrangères, j’ai retrouvé Dulac, — dont l’avancement n’avait pas