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pleins de lumière. Du premier regard, on reconnaissait en elle une nature affinée, délicate, et elle avait l’air si « comme il faut », malgré sa « confection » à bon marché et son pauvre chapeau de paille brune sans un ruban !

Pourquoi Marius et cette jeune fille, en dépit de toutes les convenances, se rapprochèrent-ils peu à peu ? Comment eurent-ils en même temps un sourire ? Comment se parlèrent-ils enfin de ce qu’ils avaient sous les yeux, des cygnes gourmands, de la pure splendeur du ciel ? Sans doute parce qu’ils étaient malheureux et seuls au monde. Il leur sembla qu’ils s’étaient toujours connus. Ils s’éloignèrent du bassin, marchant côte à côte et causant comme d’anciens amis ; ils remontèrent sur la terrasse, cherchèrent d’instinct un banc à l’écart sous les arbres, s’y assirent, échangèrent des confidences.

Elle s’appelait Anna, elle était orpheline, et, durement traitée par des parents avares dans la petite ville de Champagne où elle était née, elle avait demandé son pain à son brevet d’institutrice, et après avoir erré de pensionnat en pensionnat, elle était maintenant sous-maîtresse dans une assez bonne maison, boulevard Montparnasse, où elle