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plaçait le « livre récent » entre la Princesse de Clèves et Manon Lescaut ; et, en descendant l’escalier de l’Institut au bras d’un confrère, Jean Borel, le vieux critique aveugle, qui s’était fait lire la veille les Lettres d’Amour, s’écriait : « Attention ! Voilà un écrivain ! » du ton dont il eût entonné le Nunc dimittis. Les « déliquescents » eux-mêmes, tout en regrettant, dans le livre frais éclos, l’absence complète de symbolisme, étaient légèrement troublés.

Seuls, quelques esprits chagrins se demandaient avec stupéfaction comment un poète aussi mécanique, aussi médiocre que Marius Cabannes, avait pu écrire ces pages de feu, où tout le cœur d’une femme était deviné. Quoi ! On était, la veille, un versificateur, un « livresque », un rhétoricien, on cuisinait des descriptions à la sauce moderne, à peu près comme un abbé Delille qui aurait lu Victor Hugo, et puis, — changement à vue ! — du jour au lendemain, parce qu’on avait lâché les vers pour la prose, on trouvait du premier coup l’originalité, l’émotion, la vie, les cris du cœur ? Allons donc ! Ce n’était pas possible. Il y avait quelque chose là-dessous.

Ce n’était pas possible, en effet, et voilà tout le