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amoureuse, pensant à lui sans cesse, elle lui écrivait, dans le silencieux ennui de la classe, devant les fillettes penchées sur leurs devoirs. La correspondance ne durait pas longtemps. Quelques mois à peine. Elle commençait le lendemain du jour où l’imprudente enfant avait donné son cœur et le reste, — quel sublime cri d’amour ! quel hymne de joie ! — et elle finissait par le douloureux et suprême appel de l’abandonnée qui va mourir de l’abandon. Quarante lettres, voilà tout. Mais quel livre ! La vérité même, une tranche toute saignante de la vie. Et le style ! Fougueux, emballé, incorrect, mais avec des trouvailles divines, des coups de génie féminin, et coulant sur la page, pur et chaud comme le sang d’une veine coupée.

Quel bruit dans le Landerneau littéraire ! Marius Cabannes fut illustre en quinze jours. A la bonne heure, disait-on à la brasserie où se réunissaient les jeunes naturalistes, voilà du « coudoyé », du « sous les yeux ». Exquis ! délicieux ! chantaient les femmes du monde, dans les thés de cinq heures. Le nouveau Planche de la « Revue » avait sans retard maçonné un article, ponctué de « que si » et de « tout de même que », dans lequel il