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beaucoup prier, cédait toujours néanmoins, et grâce à son admirable organe et à son talent d’acteur, il animait un de ses froids poèmes, lui « faisait un sort », comme on dit dans l’argot des coulisses, et forçait les applaudissements. De cette façon, Marius finit par se constituer un groupe d’admirateurs, peu nombreux, mais enthousiastes, composé de ceux qui n’avaient pas lu ses vers et les lui avaient seulement entendu réciter.

Les femmes, séduites par son joli visage, à qui la tristesse allait bien, le plaignirent et s’intéressèrent à lui. Il élargit le cercle de ses connaissances, assista, silencieux et l’œil fatal, à beaucoup de dîners en ville, obtint de l’avancement à son ministère, fut aimé d’un bas-bleu qui avait de l’influence. L’Académie française, bonne et indulgente personne, accorda l’un de ses prix aux Poèmes Béarnais, que le secrétaire perpétuel, dans son aimable discours, appela un « bel effort. » Bref, sans parvenir à la notoriété, Marius se créa tout doucement une petite réputation latente, et tira tout le parti possible de son piteux livre.

Il eut le grand tort, au bout de trois ans, d’en mettre au jour un second. Ses Pyrénéennes furent trouvées, par les gens de goût, encore plus vides