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dès six heures et qui allume le fourneau aux pommes cuites, en hiver... Ce qui ne l’empêche pas de veiller des nuits entières devant son pupitre et de comprendre la sublime musique de Bach aussi bien que moi. »

César Maugé fut flatté de ne s’être point trompé. Vraiment, c’était « quelqu’un », ce joli gamin qui brûlait d’une flamme timide pour Sylvandire.

— « Est-ce bête, la jeunesse ! — songeait le vieux sultan de coulisses au fond de sa baignoire, tout en regardant Amédée extasié devant son idole. — Dire que ce malheureux petit croque-notes s’imagine peut-être qu’une actrice est une femme et que Sylvandire est capable d’un sentiment !... Sylvandire, qui, à vingt ans, avait déjà ruiné un banquier juif et qui remettrait Jésus en croix pour voler un rôle à une camarade !... Hein ! comme il la dévore des yeux... Mon Dieu ! est-ce bête, ces jeunes gens, est-ce bête !... »

Soudain, une idée singulière et perverse fit éclosion dans l’esprit du dramaturge. Les femmes de théâtre n’étaient-elles pas toutes à sa discrétion, Sylvandire la première ? S’il n’en usait pas, c’est qu’il avait dételé depuis longtemps. Eh bien, il s’amuserait à réaliser le rêve du musicien ; il jetterait