le signal du chef, sans parler à ses camarades, sans regarder la salle, comme absorbé par une pensée intime et profonde, avec quelque chose dans toute sa personne de grave, de fier et de pur.
Si sceptique, si dur de cœur que fût ce pourri de Maugé, il fut frappé par cette fraîche et charmante apparition, d’autant plus qu’en observant le musicien au moment où Sylvandire venait d’entrer en scène, il remarqua que le regard du jeune homme s’attachait avidement sur la splendide créature, et s’emplissait d’une tendresse infinie. C’était évident. Cet enfant au teint de vierge aimait l’actrice d’une passion sans espoir.
Deux jours après, rencontrant Tirmann sur le boulevard Montmartre, Maugé interrogea le chef d’orchestre sur le compte du jeune musicien.
— « Amédée ? — s’écria le vieux maître avec enthousiasme. — Un charmant enfant ! Mon meilleur élève !... Retenez ce nom-là : Amédée Marin... Ce sera celui d’un sincère, et, je l’espère bien, d’un grand artiste... Et honnête garçon, et fils excellent !... Sa mère est fruitière rue de Seine et gagne à peu près sa vie ; mais, comme la bonne femme devient vieille et ne peut plus se lever de grand matin, c’est Amédée qui ouvre la boutique