Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

toujours été une grande artisse, — continua-t-elle avec un horrible accent de blague faubourienne ; — on n’a pas toujours avalé sa langue en compagnie d’un empaillé de prince russe qui vous appelle « madame » jusque sur l’oreiller, et, vous voyez, mon cher, on ne rougit pas de son origine... Les pommes cuites et Ugène !... J’avais un Ugène, alors... C’était le bon temps ! »

La cynique boutade de la coquine fit sourire l’homme de théâtre, vieux Parisien corrompu.

— « Et il paraît que tu as eu un succès fou dans la Petite Baronne, — dit-il à la comédienne, qui, ayant payé la vieille fruitière, était remontée dans sa victoria et reboutonnait son gant.

— Vous n’étiez donc pas à la « première » ? — s’écria-t-elle, étonnée.

— Non. Je ne vais presque jamais à l’Odéon.

— Eh bien, venez donc voir ça... Je vous assure, ça vaut le voyage... Adieu. »

César Maugé mentait. Il avait si bien vu Sylvandire dans la Petite Baronne, qu’il songeait à lui confier un rôle ; mais il n’était pas encore tout à fait décidé et il craignait de se compromettre.

La vérité, c’est que, depuis deux mois, tout le public était amoureux de la grande coquette, qui,