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dans la main gauche pour combattre le requin ?


Mais quoi ! On est belle et coquette. La salle à manger est chaude et parfumée. On y peut dîner gaîment, demi-nue et très parée, en flirtant avec son voisin. Quel rapport, je vous le demande, peut-on avoir avec un ouvrier ténébreux qui pioche à cinquante pieds sous terre, avec un tisseur ankylosé devant sa machine, avec un sauvage qui saute dans la mer et parfois la rougit de son sang ? Pourquoi penserait-on à ces choses tristes et laides ? Quelle absurdité !

Cependant, le Rêveur est poursuivi par son idée fixe.

Depuis un instant, sans y prendre garde, machinalement, il a émietté sur la nappe un peu du petit pain doré qui est placé près de son assiette. Oh ! c’est un aliment de fantaisie, insignifiant dans un tel repas. Il fait songer au mot naïf de la grande dame sur les misérables affamés : « Qu’ils mangent de la brioche ! » Pourtant ce joli gâteau, c’est du pain tout de même, du pain fait avec de la farine, qu’on a faite elle-même avec du blé. Mon Dieu, oui, c’est du pain, tout bonnement, du pain, comme la miche du paysan, comme la boule