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ser, à le consoler, lui essuyait les yeux avec son mouchoir, le suppliait de sourire.

Ils errèrent ensuite sous les vieux rameaux, se tenant les mains, se serrant l'un contre l'autre, se parlant tout bas. Elle lui conta toute sa vie, son enfance à la campagne, dans la ferme où vivaient encore ses parents ; elle lui dit comment on l'avait mariée trop jeune, et que son mari, avec sa voix dure et sa barbe rude, lui avait toujours fait peur; qu'elle n'aimait pas Paris, que c'était trop grand, et mille enfantillages ; et que le gros chien de garde qui était dans la cour de la maison ne la reconnaissait pas, et que la nuit, quand elle rentrait, il aboyait après elle, en tirant sur sa chaîne.

Gabriel l'écoutait parler, comme dans un rêve, et la regardait à travers ses larmes. Puis tout à coup il l'interrogeait; il voulait tout savoir d'elle : le détail le plus insignifiant de sa vie, la pensée la plus intime de son âme.

Ils ne se disaient ni l'un ni l'autre qu'ils s'aimaient; ils n'avaient pas besoin de se le dire. Eugénie avait joint ses mains sur le bras de Gabriel, et ils se regardaient dans les yeux.

Ils s'arrêtèrent dans la partie du boulevard qui passe sur la Bièvre, au bord du parapet de pierre,