Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle s’était arrêtée, elle parlait vite, très émue, et ne s’était pas aperçue que ses mains étaient déjà dans celles du jeune homme. Mais soudain elle entendit un sanglot, et elle sentit quelque chose de brûlant tomber sur une de ses mains. C’était Gabriel qui pleurait.

Que se dirent-ils alors ?... Oh ! vous seuls le savez, qui avez pleuré sur un sein de femme dans les ténèbres, qui avez cru au mot toujours en le prononçant, qui avez connu la délicieuse douleur d’aimer ! Vous seuls le savez, à qui un regard de tristesse dans des yeux chéris a fait trahir les plus beaux serments de vertu et de courage ! Cœurs naïfs et sublimes qui avez fait tenir tout l’idéal de la vie dans une heure de votre jeunesse et à qui la perte fatale de ce divin rêve rend à jamais les yeux éteints et le front pâle, vous seuls serez indulgents pour ces deux pauvres êtres, à qui le sort avait donné si peu de consolation et de joie, et qui, perdus dans la solitude de cette nuit chaude et pleine de parfums, seulement vus des clémentes étoiles, oubliaient les devoirs sociaux et la patrie en deuil et allaient s’abîmer dans l’immense amour.

Ils s’étaient assis sur un banc. Gabriel pleurait toujours à chaudes larmes. Elle cherchait à l'apai-