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Eugénie. Il y était allé d’abord tous les trois ou quatre jours, puis plus souvent, puis tous les soirs, et maintenant il ne vivait plus que pour ces deux heures passées dans la chambre du faubourg, à côté des deux femmes travaillant près de la lampe, tandis que, par les fenêtres ouvertes, arrivaient les odeurs d’arbres et étincelaient les étoiles des belles nuits d’été.

Dans les premiers temps, Eugénie avait paru gênée de la présence du jeune homme et lui avait fait le même accueil, plein de froideur et de réserve ; mais elle avait fini par être touchée de son silence et de sa douceur, étant comme lui naïve et timide ; et aux quelques banalités qu’il avait osé lui dire, d’une voix que faisait trembler la plus poignante des émotions, elle avait à la fin répondu avec plus de confiance. Quelquefois son regard s’arrêtait, sympathique, sur celui de Gabriel. Un soir même, elle lui parla la première, et elle ne put s’empêcher de sourire tristement à la joie ineffable qu’elle lut alors dans ses yeux.

Mme Henry protégeait visiblement Gabriel. Cette femme sans éducation, à demi galante peut-être, devait avoir beaucoup d’indulgence pour les choses de l’amour. Elle n’eût peut-être pas donné un mau--