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sourire de remerciement, puis elle se pencha pour dire un mot à l’oreille de sa compagne. Elles se tenaient le bras et se serraient l’une contre l’autre, comme des petites bourgeoises un peu effrayées de s’être risquées dans une telle cohue. Gabriel ne fit pas d’abord attention à ces deux femmes ; mais le flot de peuple qui grossissait derrière lui le poussait contre elles, et il se mit à les regarder distraitement. Elles se parlaient tout bas et riaient. La plus petite, qui paraissait plus timide que son amie, avait sa voilette baissée. C’était tout près d’elle que se trouvait Gabriel, et, à chaque mouvement qu’elle faisait, il était effleuré par sa robe.

En ce moment, et comme un convoi de lourds caissons du train des équipages passait au petit trot devant eux, une terrible poussée eut lieu dans la foule, et la petite femme qui était devant Gabriel, lancée violemment sur la chaussée, fit un faux pas en poussant un cri, et elle aurait peut-être roulé sous la roue d’un des caissons, si le jeune homme, qui avait été jeté comme elle hors du trottoir, ne l’avait reçue dans ses bras.

Elle y resta trois ou quatre secondes, muette et défaillante de peur, puis se releva d’un brusque