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Savinien, brisé par l’angoisse, s’était assis sur un lit et baissait les yeux sans comprendre.

« Écoute, dit Jean-François qui vint lui prendre les mains. Je devine. Tu as volé les trois pièces d’or pour acheter quelque chiffon à une fille. Cela t’aurait valu six mois de prison. Mais on ne sort de là que pour y rentrer, et tu serais devenu un pilier de correctionnelle et de cours d’assises. Je m’y entends. J’ai fait sept ans aux Jeunes Détenus, un an à Sainte-Pélagie, trois ans à Poissy, cinq ans à Toulon. Maintenant, n’aie pas peur. Tout est arrangé. J’ai mis l’affaire sur mon dos.

– Malheureux ! s’écria Savinien ; mais l’espérance renaissait déjà dans ce lâche cœur.

– Quand le frère aîné est sous les drapeaux, le cadet ne part pas, reprit Jean-François. Je suis ton remplaçant, voilà tout. Tu m’aimes un peu, n’est-ce pas ? Je suis payé. Pas d’enfantillage. Ne refuse pas. On m’aurait rebouclé un de ces jours ; car je suis en rupture de ban. Et puis, vois-tu, cette vie-là, ce sera moins dur pour moi que pour toi ; ça me connaît, et je ne me plains pas si je ne rends pas ce service pour rien et si tu me jures que tu ne le feras plus. Savinien, je t’ai bien aimé, et ton amitié m’a rendu bien heureux ; car c’est grâce