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maître pour lequel il travaillait le citait comme son meilleur compagnon. Après la longue journée, passée sur l’échelle, au grand soleil, dans la poussière, à ployer et à redresser constamment les reins pour prendre le moellon des mains de l’homme placé à ses pieds et le repasser à l’homme placé au-dessus de sa tête, il rentrait manger la soupe à la gargote, éreinté, les jambes lourdes, les mains brûlantes et les cils collés par le plâtre, mais content de lui et portant son argent bien gagné dans le nœud de son mouchoir. Il sortait maintenant sans rien craindre, car son masque blanc le rendait méconnaissable, et puis il avait observé que le regard méfiant du policier s’arrête peu sur le vrai travailleur. Il était silencieux et sobre. Il dormait le bon sommeil de la bonne fatigue. Il était libre.

Enfin, récompense suprême ! il eut un ami.

C’était un garçon maçon comme lui, nommé Savinien, un petit paysan limousin, aux joues rouges, venu à Paris le bâton sur l’épaule, avec le paquet au bout, qui fuyait le marchand de vin et allait à la messe le dimanche. Jean-François l’aima pour sa santé, pour sa candeur, pour son honnêteté, pour tout ce que lui-même avait perdu, et depuis si longtemps. Ce fut une passion profonde,