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et des phrases tout à fait inintelligibles pour Jean-François, telles que celle-ci, par exemple, qu’il entendit une fois proférer impérieusement par un affreux petit bossu qui noircissait du papier toutes les nuits :

« C’est dit. Le cabinet est ainsi composé : Raymond à l’instruction publique, Martial à l’intérieur, et moi aux affaires étrangères. »

Son temps fait, il erra de nouveau à travers Paris, surveillé de loin par la police, à la façon de ces hannetons que les enfants cruels font voler au bout d’un fil. Il devenait un de ces êtres fuyants et craintifs que la loi, avec une sorte de coquetterie, arrête et relâche tour à tour un peu comme ces pêcheurs platoniques qui, pour ne pas dépeupler leur vivier, rejettent bien vite à l’eau le poisson sortant à peine du filet. Sans se douter qu’on fit tant d’honneur à son chétif individu, il avait un dossier spécial dans les mystérieux cartons de la rue de Jérusalem ses nom et prénoms étaient écrits en belle bâtarde sur le papier gris de la couverture, et les notes et rapports, soigneusement classés, lui donnaient ces appellations graduées : le nommé Leturc, l’inculpé Leturc, et enfin le condamné Leturc.

Il resta deux ans hors de prison, dînant à la