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de-chaussée, à Montmartre. C’était une bonne ouvrière et qui m’aimait bien. Elle gagnait de l’argent parce qu’elle avait la clientèle des garçons de café et que ces gens-là ont besoin de beaucoup de linge. Le dimanche, elle me couchait de bonne heure, pour aller au bal ; mais, en semaine, elle m’envoyait chez les Frères où j’ai appris à lire. Enfin, voilà. Le sergent de ville qui battait son quart dans notre rue s’arrêtait toujours devant la fenêtre pour lui parler. Un bel homme, avec la médaille de Crimée. Ils se sont mariés, et tout a marché de travers. Il m’avait pris en grippe et excitait maman contre moi. Tout le monde me flanquait des calottes, et c’est alors que, pour fuir la maison, j’ai passé des journées entières sur la place Clichy, où j’ai connu les saltimbanques. Mon beau-père perdit sa place, maman ses pratiques ; elle alla au lavoir pour nourrir son homme. C’est là qu’elle est devenue poitrinaire, rapport à la buée. Elle est morte à Lariboisière. C’était une bomme femme. Depuis ce temps-là, j’ai vécu avec le marchand de poil à gratter et le racleur de corde à boyau. – Est-ce qu’on va me mettre en prison ? »

Il parla ainsi carrément, cyniquement, comme un homme. C’était un petit galopin déguenillé,