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Hélas ! elle a très peu grandi, bien qu’elle soit une jeune fille à présent, et qu’en comptant sur mes doigts je découvre qu’elle aura bientôt vingt ans. Quand je la rencontre, sautillant plus lourdement sur sa béquille, – une béquille neuve, un peu plus haute que l’ancienne, – je n’ose plus dire : « Bonjour, mignonne ! » et je me contente de lui tirer mon chapeau. D’ailleurs, elle sort rarement. Sa mère est maintenant concierge dans la maison du brocheur, et la fenêtre de la loge, qui donne sur la rue, est placée trop haut pour que je puisse y jeter un regard en passant ; mais la présence de ma petite amie se trahit par le bruit incessant de sa machine à coudre. Elle travaille pour la confection, et il paraît qu’elle gagne d’assez bonnes journées. On m’a assuré qu’elle est bien plus infirme que je ne croyais et qu’elle a une jambe toute séchée. Elle ne se mariera pas. Quel dommage !

Cependant, presque toutes ses camarades de première communion ont déjà mis leur seconde robe blanche, celle du mariage. L’autre samedi encore, l’épicière a marié sa fille à son premier garçon. (Je me doutais bien que ça finirait par là ; les dimanches soirs, quand la mère prenait le frais sur le pas de sa porte et quand les jeunes