Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée

aurait pu demander « du vinaigre ». En grand deuil, – son père, un compagnon charpentier, venait de mourir, – elle s’asseyait sur une borne, sa petite béquille dans sa jupe, et elle regardait jouer les autres. Elle m’attendrissait, avec son air triste et sage, ses grands yeux bleus dans sa figure pâlotte, et ses bandeaux châtains sous son béguin noir. À la longue, elle avait vaguement deviné ma pitié dans mon regard ; elle y répondait par un sourire mélancolique. Je lui disais au passage : « Bonjour, mignonne ! »

Du temps s’écoula, – deux ou trois ans passent si vite ! – et, un jeudi matin du mois de mai, où le jardin des Frères Saint-Jean-de-Dieu embaumait la verdure nouvelle et où des fils de la Vierge flottaient dans l’air, je m’aperçus, en sortant de chez moi, vers onze heures, que la rue Rousselet avait un aspect de fête inaccoutumé. Parbleu ! c’était le jour de la première communion des enfants. L’ouvrier, qui mangeait tous les soirs du jésuite en lisant son journal, avait eu beau déclamer... « On n’est pas des païens », avait déclaré la maman, et les enfants étaient tout de même allés au catéchisme. Et puis, la première communion des gamins, c’est une occasion de « caler l’atelier », de faire une