Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/284

Cette page n’a pas encore été corrigée

semble impossible. Quelle surprise pour le flâneur, s’il voyait un coulissier juif des environs de la Bourse traverser les paisibles cours de l’Institut !

Cette infinie variété d’aspect des rues de la grande ville est pour le véritable Parisien, pour le Parisien de Paris, une source inépuisable d’intérêt, et entretient chez lui, pourvu qu’il soit doué de quelque puissance imaginative, la fraîcheur et la vivacité d’impressions du voyageur débarqué de la veille. Moi-même, qui suis né à Paris, qui l’ai toujours habité, et qui pourrais me plaindre, comme Alfred de Musset, d’en connaître tous les pavés, je suis encore étonné bien souvent des découvertes que j’y fais dans mes promenades aventureuses. N’ai-je pas trouvé la silencieuse mélancolie d’un canal de Venise derrière la manufacture des Gobelins, et dans Grenelle, à deux pas du Champ de Mars, une place publique du Caire, brûlée de soleil, un excellent décor pour le meurtre du général Kléber percé de six coups de poignard par le fanatique Souleyman-el-Habbi ?

Quand je vins habiter le coin perdu du faubourg Saint-Germain, où je vis depuis une dizaine d’années, je me pris d’affection pour la très calme et presque champêtre rue Rousselet, qui s’ouvre juste